Homélie de Mgr Hervé Giraud, après l’élection du pape Léon XIV

« Mes brebis écoutent ma voix. » (Jn 10, 27)
Les voix du monde sont nombreuses et variées. Comment s’y reconnaître sans rester paralysés devant tant de voix, parfois justes, parfois fausses, parfois mélangées. Avec l’arrivée des médias en continu et des réseaux sociaux, chacun peut, et doit parfois, donner son avis. Mais cela demande d’écouter, avec encore plus d’attention, la voix du Seigneur. Souvenons-nous de Marie-Madeleine dans son dialogue avec le Ressuscité : « Jésus lui dit alors : « Marie ! » S’étant retournée, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni ! », c’est-à-dire : Maître. » C’est à sa voix qu’elle le reconnait.
« Mes brebis écoutent ma voix ». Avez-vous remarqué que Jésus ne dit pas : « Mes brebis écoutent mes paroles ou mes enseignements » ? Le ton de la voix semble plus important, ou du moins nécessaire, pour écouter ses paroles. Nous le savons, il y a ce que l’on dit et la manière de le dire. Le timbre de la voix est souvent adapté au contenu. Il y a comme une tonalité qui va permettre d’entendre, ou non, le message de l’autre. Nous savons tous qu’une parole pleine de colère empêche souvent d’entendre les arguments.
Quelle est donc cette voix du Seigneur ? C’est celle d’un pasteur, du Bon Pasteur. Celle de quelqu’un qui aime ses brebis. Nous ne saurons jamais, avant l’éternité, quelle est le timbre de la voix du Seigneur, sa douceur réelle ou sa tristesse réelle. À moins que, de même que le Père et le Fils ne font qu’un, le Christ et l’Église ne font qu’un. La voix du Seigneur passe aujourd’hui par nos voix, par la voix fragile des plus oubliés, et souvent peu entendue.
Dans son encyclique Laudato Si’, le défunt pape François demandait d’écouter « tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres ». Hier, dans notre journée diocésaine, sur le thème de l’écologie « intégrale, humaine, authentique, globale », nous avons voulu ajouter la « clameur de l’espérance ». C’est bien cette espérance qui a jailli en nous quand nous avons entendu « Habus papam » jeudi soir à 19h14. Nous avons alors probablement tous écouté pour la première fois la voix de Léon XIV. Sa voix nous a mis en confiance, en paix, en relation. Nous avons entendu la voix d’un pasteur, humble, habité par ses origines multiples. Il a affirmé, dès sa première homélie, vouloir « disparaître pour que le Christ demeure, se faire petit pour qu’Il soit connu et glorifié… »
Léon XIV a commencé son ministère par les premiers mots du Christ Ressuscité : « La paix soit avec vous ». En italien, il a même précisé : « con tutti voi », « avec vous tous ». Son message était adressé à tous, accessible à tous. Avec des mots simples il a affirmé : « Cette paix vient de Dieu, de Dieu qui nous aime tous inconditionnellement… Dieu nous aime, Dieu vous aime tous, et le mal ne prévaudra pas. » Grâce à la salutation du Christ, portées par la voix du successeur de Pierre, nous pouvons entendre le message d’amour universel du Père et du Fils qui ne font qu’un. Dieu lui-même est le Pasteur éternel. Son Fils en est l’image parfaite. Il en fut ici-bas l’image visible décrite dans tous les évangiles. Et c’est pourquoi nous le suivons et écoutons sa voix… et donc ces paroles.
Désormais nous allons être attentifs à la nouvelle voix du pape et donc à ses discours. Pour le connaître un peu, l’ayant rencontré deux fois en juin 2023 et mai 2024, je sais déjà que le pape est un homme d’écoute : il pose de bonnes questions, il reformule avec justesse, il synthétise avec précision. Et au besoin il innove s’il y a une impasse. J’en ai fait l’expérience comme Prélat de la Mission de France. Cette prélature est une sorte de diocèse transversal pour les prêtres exerçant leur ministère dans le monde professionnel. Celui qui était encore le préfet des évêques a su ouvrir une voie (V – o – i – e) à un moment où j’étais dans une issue canonique pour accueillir des fidèles laïcs dans la Prélature. Dans quelques jours le Saint-Père me donnera, je l’espère, un successeur à la Mission de France, ce qui me permettra d’être totalement au service de l’Ardèche.
Permettez moi d’ajouter une réflexion sur l’élection du pape Léon XIV. Depuis 1958 nous avons eu 7 papes qui forment comme des paires de pontificats : Jean XXIII et Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI, François et Léon XIV, comme s’il fallait au moins deux pontificats successifs pour passer chaque époque singulière. Nul doute que Léon XIV continuera l’œuvre de son prédécesseur mais avec sa propre originalité. Il le fera avec ce léger sourire de Jean-Paul 1er. Nous allons donc découvrir peu à peu Léon XIV. Il sera cité à chaque eucharistie. Le pape apparaît déjà comme un homme bon, modeste, déterminé, avec un véritable esprit d’équipe. Il saura conduire la barque de l’Église. Écoutons désormais sa voix et son enseignement. Sa voix sera peut-être étouffée par notre monde. Mais la vérité de l’évangile finit toujours par triompher, comme le Christ a triomphé de la mort.
Je termine en citant de nouveau l’évangile :
« Mes brebis écoutent ma voix… Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront. » (Jn 10, 27-28) En cette année jubilaire, « l’espérance ne déçoit pas. » (Rm 5, 5)
Mgr Hervé Giraud, archevêque-évêque du diocèse de Viviers