BIENHEUREUX GABRIEL LONGUEVILLE

Né à Etables, canton de Tournon, le 18 Mars 1931. Il fait ses études de philosophie et de théologie au Grand Séminaire de Viviers. Il participe à la guerre d’Algérie en 1954 avec le grade d’aspirant parachutiste. Il est ordonné prêtre le 29 Juin 1957 à la cathédrale de Viviers. Il poursuit à Lyon, aux Facultés catholiques, des études de lettres, obtient une licence d’anglais et un certificat d’espagnol. Il se montre particulièrement doué pour les langues et parle assez bien l’italien, l’allemand, voire quelque peu l’arabe. Il est nommé professeur au Petit Séminaire Saint Charles d’Annonay, où il assure les cours d’anglais.

Gabriel apparaît alors comme un homme tranquille, peu expansif mais intérieurement passionné, résolu, ne supportant pas l’injustice, le mensonge, « la façade » qu’il stigmatise par le dessin et la peinture, auxquels il s’adonne avec un humour parfois mordant. Il voulait aller jusqu’au bout de lui-même et jusqu’au bout de sa Foi et de l’Évangile.

Le 30 Septembre 1968, il écrit au CEFAL (Comité Episcopal France Amérique Latine), présidé alors par Mgr. Riobe, pour demander de « consacrer une période de sa vie au service de l’Amérique Latine », répondant ainsi à l’appel de l’encyclique « Fidei Donum » de Pie XII, du 21 Avril 1957.

Il prend l’avion pour le Mexique en Août 1969 avec dix-sept autres prêtres français. Il est destiné à 1’Argentine, mais se rend d’abord à Cuernavaca où se trouve le CIDOC, centre de formation pour l’Amérique Latine, dirigé alors par Ivan Illich. Après deux mois de formation (Gabriel, doué pour les langues, est jugé apte à occuper un poste en paroisse à Mexico, en attendant que ses collègues aient terminé le stage. Ce qui le frappe, c’est le contraste entre les quartiers riches et les quartiers misérables et, sur le plan religieux, le peu de pratique ; à peine 5 %. Mais l’importance de la religion populaire qu’il considère au début comme superstition, il apprendra, ensuite, à la considérer plus positivement comme base d’évangélisation.

Fin Janvier 1970, il part pour 1’Argentine rejoindre la paroisse de Corrientes, ville de 100.000 habitants sur la rive gauche du Parana, où il trouve un prêtre français qui exerce le métier de coiffeur, en même temps que son ministère. Le clergé local est alors divisé ; à côté des prêtres traditionnels et conservateurs, il rencontre une petite fraction de prêtres progressistes dénommés  »prêtres du Tiers Monde » avec lesquels il se sent en accord.

Pour être plus proche du petit peuple il occupe, en Juin 1970, un emploi de manœuvre dans une entreprise de maçonnerie, travaillant cinq jours par semaine ; il se réserve les samedi et dimanche. Les salaires sont très bas, pas de sécurité sociale, pas de congés ni d’heures supplémentaires payées.

Son comportement le met en conflit avec son Evêque âgé de 75 ans, et assez conservateur, qui finit par le mettre à la porte de son diocèse, avec un autre prêtre français.

Gabriel trouvera un Evêque accueillant en la personne de Mgr. Angelelli, Evêque de la Rioja « un des rares Evêques rénovateurs d’Amérique Latine » dit-il. Il est nommé à Chamical, petite ville de 6000 habitants avec, en plus, une dizaine de villages à desservir sur un grand espace.

Gabriel est chargé de la partie banlieue la plus pauvre. Il loue une maison très petite où il installe un atelier de sculpture sur bois. Il travaille aussi deux jours par semaine dans une menuiserie, avec l’accord de son Evêque. C’est de l’inédit dans ce diocèse, où, le plus souvent, les prêtres et religieux se consacrent à l’éducation des enfants de familles aisées.

Son grand effort est de faire passer le Concile Vatican II dans la pratique et la mentalité des chrétiens du pays. Dans la ligne d’une théologie de la libération, il veut promouvoir une pastorale qui contribue à libérer l’homme de toute oppression ce qui n’est pas sans provoquer des remous. Soutenu par son Evêque, il tend à faire disparaître les oeuvres dirigées par la haute société locale, pour les remplacer par des organisations nouvelles, « mouvements de jeunes ruraux », « les instituteurs chrétiens du monde rural ». Il soutient la formation de syndicats de travailleurs, syndicats des carriers de 0LTA, proche de Chamical. Il participe directement à la formation des bûcherons de CHAMICAL et fait auprès d’eux, avec un groupe d’instituteurs, un travail de « conscientisation » de leurs droits sociaux. Il fait de même avec les employées domestiques de Chamical qui travaillent dans des conditions très difficiles d’exploitation.

Avec des jeunes du Mouvement Rural et le Secours Catholique argentin, il tente de monter une coopérative pour la culture de la vigne, face aux grands propriétaires terriens. Avec des bénévoles compétents, il organise un centre de couture et, avec de l’argent envoyé par le CCFD de l’Ardèche, il monte une coopérative de tisseuses de laine, fin 1973, début 1974.

Ces actions en faveurs des pauvres, ses prises de position, lui valent la suspicion et l’inimitié du gouvernement et de la police locale.

La mise en place, en 1973, d’un gouvernement élu n’arrête pas l’action des militaires : contrôle des homélies à l’église, surveillance des presbytères et de la maison épiscopale, perquisitions, arrestations des prêtres et même du Vicaire Général du diocèse. Gabriel travaille dans cette conjoncture difficile. L’équipe qu’il forme avec un diacre et quatre religieuses est très unie et partage la même orientation.

Gabriel revient deux fois en France, en Juillet-Août 1972 et en Juin-Juillet 1975, à Etables son village natal.

Pendant son congé de 1975, il a été remplacé par un jeune prêtre argentin, Carlos de DIOS MURIAS, franciscain, ordonné prêtre le 17 Décembre 1972 par Mgr. Angelelli, excellent pasteur, La relève est assurée ; Gabriel envisage de partir au sud des ETATS-UNIS pour se mettre au service des « Chicanos », ouvriers mexicains clandestins. Mais il tient à tout mettre en oeuvre avant de partir ; il veut notamment installer deux religieuses dominicaines attendues et il entreprend de leur construire une maison.

Le coup d’état du général Videla, le 24 Mars 1976, renversant Isabelita, la troisième femme de Juan Domingo Peron, n’entraîne pas d’amélioration. L’A.A.A., L’Alliance Anticommuniste Argentine, les escadrons de la mort, soutenus par la police et l’armée, la classe possédante, continuent leurs méfaits. A Chamical même où Mgr. Angelelli, dans une homélie, a loué l’action humanitaire du maire péroniste de la ville, le commandant de la base militaire présent manifeste publiquement sa désapprobation.

La situation est tendue. Gabriel écrit en France une lettre en patois à son curé, le 1er Mai 1976, qu’il intitule « Poème pour ma mère en dialecte « tchekos- lovaque », où il décrit la situation difficile qu’il traverse :

« … On est surveillé en permanence. Devant ma maison, il y a des flics qui essaient de voir tout ce qu’on fait … » Gabriel est perquisitionné. Il est même arrêté une nuit et conduit à la police pour être interrogé. Plusieurs fois, sa voiture est arrêtée et fouillée … La presse se déchaîne contre le diocèse de la Rioja et son Evêque Mgr. Angelelli.

Le dimanche 18 Juillet, vers 21 h.30, Gabriel Longueville et son vicaire Carlos de Dios Murias sont arrêtés au presbytère de Chamical. Ils ont été probablement assassinés une heure plus tard, à 5 km de Chamical. Leurs corps sont retrouvés criblés de balles, ligotés, le long de la voie de chemin de fer.

Quelques jours plus tard, Mgr. Angelelli, qui avait soutenu le Père Longueville, périssait dans un accident de voiture dont tout porte à croire qu’il fut provoqué par la police locale.

L’arrestation et le passage devant la justice argentine d’un des assassins présumés du Père Longueville en octobre 1988, a permis de mieux connaître les conditions de son arrestation et de sa mort. On ne voulait arrêter que son vicaire, Carlos Murias mais le Père Longueville a exigé de l’accompagner par solidarité, subissant ainsi la mort avec lui.

Sources :

  • Lettres du Père LONGUEVILLE à sa famille et ses amis, archives privées.
  • Témoignages écrits de prêtres qui l’ont connu et de l’Evêque Mgr. ANGELELLI.

DIAL et archives privées :

  • « Padrecito Gabriel, vie et mort argentines » brochure supplémentaire au N° 1122 de DIAL, revue d’information sur l’Amérique Latine, 47, quai des Grands Augustins PARIS – 10 Juillet 1986

A lire  :

La Force des pauvre, Gabriel Longueville prêtre ardéchois martyr de la foi en Argentine, de Charles Bècheras et Gérard Tracol, Ed Karthala. Avec préface de Mgr Jean-Louis Balsa, évêque de Viviers

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A lire  :

LE PSAUTIER de la « Bible de Jérusalem », prié et illustré par le Bienheureux Gabriel Longueville, Martyr.
Préface de Mgr Jean-Louis Balsa, évêque de Viviers.

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